dimanche 4 novembre 2012

Gandhi et Schweitzer, deux horizons différents mais des principes robustes

Alors que tout le monde avait les yeux rivés sur l’attribution des prix Nobel à Stockholm, il y a un mois, à Strasbourg se tenait le mercredi 10 octobre une "conférence-débat" sur Gandhi et Albert Schweitzer, organisée par l’association du SOC, qui anime des causeries autour de thèmes de société et plus particulièrement autour des questions de violence et d'environnement.


Albert Schweitzer tout comme Gandhi
avait en grande estime le respect de la vie
© Wikicommons
Intitulée "La convergence de la pensée et l’action du Mahatma Gandhi et d’Albert Schweitzer", la "conférence-débat" s’est déroulée dans l’église Saint-Nicolas, sur les bords de l'Ill, au sud de Strasbourg. L’église où le prix Nobel de la paix Albert Schweitzer a été pasteur.

Devant une assistance d’une centaine de personnes, le président de l’association Inde-Alsace, Kaushik Gupta et Philippe Kah, auteur d’une thèse sur la Chronologie prophétique de Charles Lagrange et membre du SOC ont pris à tour de rôle la parole pour évoquer la vie et l’œuvre des deux personnages.

L’objectif de cette "conférence-débat" était purement et simplement de mettre en parallèle les positions de Gandhi et Schweitzer. Selon Philippe Kah, « ces deux personnages avaient des principes robustes ». Tous les deux avaient en grande estime le « respect de la vie », précise Kaushik Gupta.

Les anecdotes sur les deux hommes rapprochent sensiblement Gandhi et Schweitzer. Kaushik Gupta en a rappelé deux lors de la soirée. « Schweitzer venait d’une riche famille, vers l’âge de 6, 7 ans, il a refusé de porter une veste que lui avait donné sa mère car ses camarades de classe étaient pauvres et n’avaient pas suffisamment d’habits pour se couvrir en hiver. » Et quant au Mahatma « un enfant avait demandé à Gandhi pourquoi il s’habillait de la sorte (torse nu et pagne) alors que la mère du petit pouvait lui confectionner de beaux vêtements ? Gandhi lui avait alors répondu : "combien de vêtements ta mère peut en fabriquer 3, 4, 5 ? Elle peut en faire 300 millions parce qu’il 300 millions d’Indiens qui vivent dans la pauvreté." Gandhi avait alors 70 ans», raconte M. Gupta.

Réintroduire la pensée de Gandhi et Schweitzer

Une fois les similitudes entre Gandhi et Schweitzer évoquées, place aux différences, qui sont, elles, plus tranchantes. Pour Kaushik Gupta, Gandhi « était plus pragmatique, il œuvrait au sein du peuple, pour le peuple » tandis que Schweitzer « symbolisait en quelque sorte "Le Fardeau de l'homme blanc", qui a pour devoir de civiliser, de subvenir aux besoins et d'administrer les populations colonisées. »

Le portrait que dresse Philippe Kah de Schweitzer est radicalement différent. Selon lui, le prix Nobel de la paix « s’était rendu en Afrique pour donner une autre image du colonialisme. L’homme blanc pouvait être bienveillant. Il n’avait pas pour objectif de christianiser les Africains.»

L’autre but de cette soirée était surtout de rappeler qu’il « est temps de réintroduire leur pensée dans ce monde, leurs paroles doivent être appliquées si on veut sauver le monde. La "conférence-débat" ne changera pas le monde », reconnaît le président d’Inde-Alsace.

Mais pour le monde les principes de ces deux personnalités ne sont-ils pas ésotériques ? « Chaque citoyen doit dresser ses oreilles et apprendre des enseignements de Gandhi et Schweitzer. Ils trouveraient des réponses à leurs problèmes quotidiens. Si Schweitzer avait un conseil à donner aux humains d’aujourd’hui, il leur encouragerait à avoir plus de sobriété dans leur façon de consommer», répond Philippe Kah.

Dans une société habituée à la violence, les préceptes de la non-violence risquent de n’avoir aucun écho. Pour Gandhi la mise en place de la non-violence passait par la méditation et la pratique du yoga. Mais dans l’Occident, ces pratiques millénaires sont considérées comme une gymnastique douce pour les citadins stressés alors qu’en Inde il s’agit d’une pratique philosophique et spirituelle.

Un parfum venant tout droit de l’Inde embaume l’église Saint-Nicolas quand Kaushik Gupta explique comment notre société rencontre des difficultés à appliquer les principes non-violents du Mahatma.

« Les deux obstacles à la non-violence sont : la peur et la culpabilité. Il faut dominer sa peur. Aujourd’hui, l’homme vit dans la peur en permanence. La peur de perdre son travail, son statut social alors que la vie, elle-même, est impermanente – idée centrale de la Bhagavad Gita. La culpabilité. Elle est bénéfique si elle permet de changer l’être humain mais elle ne doit pas bloquer l’humain dans son évolution. »

Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde

Et Kaushik Gupta de continuer « le changement doit venir des personnes, pas des états ni des gouvernements ». Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde, disait le Mahatma. Une citation qui n’a pas pris une seule ride.


« Gandhi et Schweitzer ont dépassé le sentiment de dette envers
leur milieu familial et social pour œuvrer pour l’humanité entière
» © Wikicommons
Le changement est plus que nécessaire voire indispensable à entendre Philippe Kah. Il estime « la société est en phase de dégénérescence ». L’évolution de la société est dépourvue d’éthique, M. Kah cite Rudolf Steiner pour étayer sa pensée « Quand tu fais un pas dans la technologie, fais deux pas dans la morale ».

L’évolution actuelle dont se targue le monde n’est pas propice à la mise en place de la non-violence. D’après Philippe Kah « elle ne pourra se mettre en place quand les gens évolueront ». Mais l’homme au 21ème n’est-il pas évolué ? « Schweitzer préconisait l’évolution dans une dimension qualitative. La fuite en avant de la possession n’est pas une évolution. L’obsession de la concurrence, de la compétition n’est pas un signe d’évolution », rétorque Philippe Kah.

Comme le soulignait l’astrophysicien Hubert Reeves « l’homme disparaîtra s’il ne prend pas en compte la problématique existentielle. Ça sera la sixième extinction », prévient Philippe Kah.

Après le discours des deux intervenants, place au débat.

Les deux anecdotes l’une sur Gandhi et l’autre sur Schweitzer citées par Kaushik Gupta ont fait réagir l’assistance, une dame a d’ailleurs pris la parole pour compléter les dires de M. Gupta en précisant que « Gandhi et Schweitzer ont dépassé le sentiment de dette envers leur milieu familial et social pour œuvrer pour l’humanité entière ». Une autre a souligné le besoin d’être « moins égoïste et moins concentré sur nous-mêmes ». Une déclaration à laquelle Kaushik Gupta a répondu en citant André Malraux « le 21ème siècle sera le siècle de la fraternité et de spiritualité ou ne le sera pas ».

Ne pas refuser un sourire à une personne âgée

Au cours du débat, le public a évoqué la « convergence religieuse sur laquelle ont travaillé Schweitzer et Gandhi ». Philippe Kah a rebondi sur ces paroles pour rappeler que cette convergence n’a pas été toujours partagée dans l’Histoire et le « christianisme et le système théocratique de Rome, qui ont créé un nombre considérable de victimes (croisades, albigeois, les camisards). Il a en conséquence appelé à réfléchir sur le fond de la question religieuse ».

Et ce fond de la question religieuse pourrait reposer sur certains faits comme « ne pas refuser un sourire à une personne âgée, se libérer de son emploi du temps programmé, ne pas être polarisé des choses superficielles la mode par exemple… », des faits qui relèvent des soucis de « véracité », d’« authenticité », a conclué Philippe Kah.

L’association du Soc organisera d’autres réunions autour des thématiques suivantes : Gandhi et la spiritualité chrétienne, le samedi 10 novembre 2012, Social, Économie, Écologie - des alternatives pour aujourd’hui, le samedi 24 novembre 2012.

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